La légende des Llanganates

Sommaire

Cette légende fait partie d’un des mythes de l’Eldorado qui poussa des milliers d’hommes à explorer les régions les plus hostiles du continent américain à la promesse d’une richesse extraordinaire.Découvrons les racines de cette histoire pittoresque.

Aux sources de la légende des Llanganates : la mort d’Atahualpa

Après l’arrivée des conquistadores, dans l’actuel équateur, facilitée par une guerre civile entre Huascar et Atahualpa, et de nombreux combats entre Espagnols et Incas, l’empereur Atahualpa, est fait prisonnier. Il avait pourtant fait livrer la rançon de sa libération aux Espagnols : ses richesses d’or et d’argent provenant de tout le sud de l’empire, l’équivalent d’une chambre de 30m2. Ses derniers prenant conscience de la puissance de l’empereur décident tout simplement de mettre fin à sa vie pour installer à sa place un empereur fantoche. Atahualpa meurt par strangulation en juillet 1534 après avoir accepté le baptême.

La fidélité du général Rumiñahui à l’Empire Inca

Rumiñahui serait né dans le village de Pillaro vers 1482 dans une famille de caciques.Son nom signifie visage ou œil de pierre. Guerrier courageux, il sert dans l’armée de Huayna Capac, père de Huascar et Atahualpa. Après la mort de Huayna Capac, vers 1525, il sert l’armée d’Atahualpa, dernier empereur inca.Apprenant la mort d’Atahualpa, alors qu’il était en route vers Cajamarca avec une partie des richesses apportées du nord de l’empire pour payer la rançon de l’empereur, Rumiñahui repart vers le nord dans sa ville natale : Pillaro.Deux hypothèses voient alors le jour concernant le trésor des LLanganates.La première admet que le Général cache alors le trésor dans les montagnes inaccessibles des Llanganates avec l’aide du peuple Puruha qui avait pourtant été déplacé lors de mintimaes – technique de déplacement et de séparation forcée de familles des peuples vaincus vers des régions de peuples loyaux - à l’arrivée des Incas dans la région quelques décennies auparavant.Rumiñahui prend alors la succession de l’empereur et s’allie à l’ensemble des chefs des peuples qui avaient lutté contre Huascar. Il prend la défense du royaume de Quito, s’étendant alors au nord et sud de la ville actuelle, face aux Espagnols menés par le conquistador Sebastián de Benalcazar.En février 1534, les Espagnols, venus de Piura, arrivent près de Tomebamba où les Cañaris s’allient à eux pour contrer l’avancée de leurs anciens oppresseurs, les Quitus, alliés du Général. Les quelque deux cents Espagnols et onze mille Cañaris sont stoppés par les Incas au nœud de Tiocajas. Rumiñahui est accompagné de près de douze mille soldats et des fameux généraux Quisquis et Pintag. Sa connaissance du terrain et sa ferveur au combat lui ont permis de gagner troisième bataille de Tiocajas de l’histoire de l’équateur.À la nuit tombée, l’indigène Mayu, déserteur de l’armée de Rumiñahui, informe les Espagnols des stratégies de bataille et les pièges tendus par les Incas, redonnant ainsi l’avantage aux conquistadores dans leur avancée vers Quito.Par ailleurs, le volcan Tungurahua entre en éruption en juillet 1534. Pour les Incas et les peuples autochtones qui se sont alliés au Général, c’est le signe de la colère des dieux.À la suite de cet évènement, Rumiñahui se retranche avec ses armées vers Quito. Sur le chemin du retour, il appliqua la tactique de la terre brûlée.Pour défendre son territoire, Rumiñahui, à son arrivée à Quito, demande à ce que les Vierges du Soleil soient sacrifiées et que les enfants de l’Empereur soient emmenés en lieu sûr. Il fait exécuter des indigènes qui voyaient Benalcázar comme un libérateur et incendie la ville.La seconde hypothèse concernant la légende des Llanganates suggère qu’avant de partir, le général Rumiñahui demande à ce que les richesses présentes dans la capitale soient cachées.Le général, lui, finit par se cacher dans la région ouest de Quito, dans la nation des Yumbos.Il décide ensuite de poursuivre Benalcázar qui repartait vers Riobamba et se retranche dans la région de Pillaro, repoussant ainsi les Espagnols de trois mois dans leur reprise de Quito.Benalcázar fonde alors San Francisco de Quito le 6 décembre 1534 sur un hameau en cendres.Les études archéologiques supposent que Rumiñahui part reprendre le corps du défunt momifié ainsi que ses ornements et l’emmène non loin du Cotopaxi, dans les montagnes du Sigchos sur l’actuel site nommé Malqui Machay. L’archéologue Tamara Estupiñan Viteri qui mena des fouilles dans cette zone au début des années 2000, soumit l’hypothèse qu’il s’agirait de la dernière demeure de l’empereur Atahualpa.Rumiñahui fut traqué dans les montagnes de la forteresse ou pucura de Sigchos durant quelques mois avant d’être fait prisonnier. Jamais il ne révéla la cachette du trésor d’Atahualpa et indiqua toujours de nombreuses fausses routes malgré la torture exercée par l’Espagnol Juan de Ampudia, traitement qui le mena à la mort en janvier 1535.Rumiñahui, connu historiquement pour son courage, a finalement été reconnu héros de la nation équatorienne à la fin du XXe siècle et son buste figurait sur les billets de mille sucres.

Le derrotero de Valverde

Au XVIIIe siècle, Valverde, un Espagnol déserteur marié avec la fille d’un cacique puruha de Pillaro aurait trouvé fortune en peu de temps. Son beau-père lui aurait effectivement révélé où se trouvait le trésor du royaume de Quito. Les raisons de cet enrichissement présentées par les sources sont diverses : difficultés économiques, rachat auprès des Espagnols, etc.Valverde retourna en Espagne et envoya un manuscrit à l’empereur Charles Quint la route pour arriver jusqu’au reste du trésor. Ce document, dont plusieurs versions existent encore aujourd’hui, donne la route pour accéder au fameux butin. Aucun document officiel de la région n’atteste pourtant de l’existence de Valverde.

La popularisation de la légende

Au milieu du XIXe siècle, le botaniste Richard Spruce part en équateur à la recherche de la quinine dont les graines sont utilisées comme antipaludique. À son retour en Grande-Bretagne, il fait aussi part dans le journal de la Royal Geographical Society, de la découverte d’une ancienne archive, le manuscrit de Valverde, ainsi qu’un plan dessiné par Don Anastasio Guzman qui indique la route pour arriver au trésor caché par Rumiñahui.Jordan H Stabler, un explorateur américain tente aussi l’expédition en vain. Son comparse le colonel Brook part lui aussi à la recherche de ce trésor.La première expédition est un échec, car il n’avait pas assez de provisions pour tenir suffisamment de temps dans cet environnement peu propice à l’Homme.Lors de la seconde expédition, son équipage de porteurs indigènes part. Il décide malgré tout de camper dans une zone marécageuse. La saison des pluies aura raison de lui.Au début des années 1930 Luciano Andrade Marin, géographe et historien équatorien dirige une expédition avec les Italiens Tullio Boschetti et Umberto Ré. À son retour, il publiera un ouvrage, aujourd’hui patrimoine culturel de l’équateur à la fois étude sur la géographie, la faune et la flore des Llanganates : Voyage dans les mystérieuses Llanganati. Il narre, en parallèle, l’expédition au cœur de cette région hostile.

Multiplication des hypothèses au XXe siècle

Face à la persistance et à la popularisation de la légende, explorateurs et scientifiques ont multiplié les hypothèses pour tenter de comprendre l’énigme.Certains pensent, en effet, que le trésor fut brûlé dans une grotte dans la montagne. D’autres pensent que le trésor fut trouvé et dilapidé à la fin du XVIIIe siècle par Antonio Pastor et Marin de Segura. D’autres explorateurs pensent que les pétroglyphes présents dans l’actuel parc des Llanganates montrent le chemin vers le trésor, au bord de la rivière Illocullin qui donne sur la lagune où serait justement enterré le trésor.Barth Blake en 1886 aurait été le dernier (ou premier ?) explorateur à trouver de l’or en grande quantité sur le site présumé. Selon l’histoire, il prit avec lui une partie du trésor mais n’aurait pu jamais revenir aux États-Unis, jeté en mer.Face à la persistance de l’énigme, Mark Honigsbaum, un journaliste et explorateur considère dans son ouvrage Valverde Gold (2004) que la nature hostile et les séismes auraient englouti le trésor à tout jamais. L’archéologue contemporain John Reinhard suppose, quant à lui, que les plans illustrés de Guzman ne seraient qu’un piège pour dérouter les curieux vers des mines situées au nord de la chaîne. Quoi qu’il en soit, une nouvelle exploration pourrait être intéressante pour en savoir plus sur la présence des Incas dans la région.Depuis près de cinq siècles, de nombreuses expéditions ont été organisées au départ de Pillaro pour retrouver ce fameux trésor suivant le manuscrit de Valverde qui décrit le périple de cinq journées pour arriver au butin « si grand que mille hommes ne pourraient le charger ». Beaucoup de chercheurs, d’aventuriers et de scientifiques périrent dans cette chaîne de montagnes hostiles pour découvrir un trésor qui, peut-être, n’existe pas.Une des dernières en date, dirigée par l’aventurier et photographe équatorien Jorge Juan Anhalzer suit une piste nouvelle : une photo aérienne laissant découvrir un chemin en zigzag décrit dans le manuscrit de Valverde. L’expédition filmée par la réalisatrice Isabel Davalos donne naissance au documentaire Llanganati sorti en 2017. L’explorateur laisse penser que la beauté du trésor n’est pas la trouvaille sinon la recherche en elle-même.